L’affaire démarre avec des montagnes de déchets belges déversés en France illégalement. Un trafic international de déchets a été ensuite démantelé : il a touché plusieurs régions (Grand-Est, Hauts-de-France, Ile-de-France). Dans cette affaire hors-norme dix prévenus seront présentés au tribunal judiciaire de Lille du 18 au 22 décembre 2023. Le mouvement FNE sera partie civile, en tant que victime de ce trafic de 10 000 tonnes de déchets, commis en bande organisée.
10 000 tonnes de déchets abandonnés en trois ans seulement L’affaire démarre en 2018 et a duré au moins 3 ans. Des déchets de tout type, produits en Belgique étaient importés en France illégalement : mélange de déchets issus de travaux du bâtiment, déchets ménagers et industriels. En effet, une importante déchetterie belge qui n’arrivait pas à traiter tous ses déchets pensait pouvoir les faire éliminer légalement en France. Des individus se sont organisés pour servir d’intermédiaires et importer illégalement ces déchets, soit vers des centres de retraitement, en falsifiant la provenance belge des déchets, leur quantité, leur contenu ; soit des tonnes de déchets étaient abandonnées en pleine nature, comme dans 10 villes de la région Grand-Est (au moins 800 tonnes de déchets). Ils ont notamment usurpé l’identité commerciale d’entreprises de transport et présentaient de faux bons de transport pour se débarrasser de ces déchets en France. Quand les centres de retraitement ont compris ces escroqueries (Suez etc), les délinquants se sont tournés vers le dépôt sauvage des déchets sur des terrains (privés ou communaux) dans le Grand-Est et en Hauts-de-France. Par exemple, dans la ville de Haucourt-Moulaine, une décharge sauvage de 500 à 1000 tonnes de déchets a été ouverte en zone forestière, sur un ancien crassier (stockant des résidus sidérurgiques de minerais) dont le portail avait été forcé. Un terrain privé sur la commune de Rédange a accueilli et accueille toujours près de 250 tonnes de déchets, situés non loin du site de l’étang, un espace naturel sensible (ENS). Un trafic de déchets lucratif et polluant L’enquête judiciaire a révélé que la structuration de cette organisation et l’adaptation du mode opératoire criminel présentent « toutes les caractéristiques de la criminalité organisée qui a désormais su investir le champ du trafic de déchets, lucratif et exposé à un faible risque pénal ». Estimation par la justice du préjudice total: 1 500 000 euros ; pour 10 000 tonnes de déchets importés illégalement. Il a été estimé que dans ce trafic, le chiffre d’affaires des délinquants approcherait le million d’euros.Et c’est encore la nature qui trinque lors de dépôts sauvages, les communes n’ayant souvent pas les moyens de débarrasser les décharges et remettre en état les sites impactés. FNE sera partie civile comme elle l’avait été en 2021 dans l’affaire dite de la mafia des déchets en région PACA. Nous agirons cette fois aux côtés de Lorraine Nature Environnement, FNE Ile de France, FLORE 54 et Air vigilance. L’Europe produit encore trop de déchets Cette nouvelle affaire de criminalité environnementale d’ampleur révèle au grand jour que les pouvoirs publics européens peinent à trouver des solutions à hauteur des enjeux car les pays produisent toujours davantage de déchets qu’ils ne peuvent en retraiter. C’est donc sur la base d’un problème structurel de surproduction de déchets que peut se développer une délinquance environnementale peu scrupuleuse. Ensuite il est très complexe d’agir pour que les acteurs belges récupèrent autant de déchets a postériori malgré la législation européenne. En Europe, en 2020, 520 kilos de déchets ménagers en moyenne ont été produits par personne. Ce volume de déchets a augmenté ces dernières années, alors que moins de la moitié réemployée ou de recyclée. Un bilan d’Eurostat publié en octobre 2023 a mis en lumière un fait plus qu’inquiétant : les déchets d’emballage sont en forte augmentation en Europe. En tout, 84 millions de tonnes de déchets d’emballage ont été produits par les européen.nes en 2021, marquant la plus forte augmentation depuis 10 ans. Plus que jamais, il est essentiel de réduire ces déchets à la source. Les déchets issus de chantier du bâtiment, quant à eux, représentent en France 70 % des déchets produits soit 46 millions de tonnes de déchets par an. Une bonne partie de ces déchets dits “inertes” finit en dépôts sauvages, formant de véritables décharges illégales. Bien qu’une filière à Responsabilité élargie du producteur (REP) ait été créée en 2022 pour gérer la fin de vie de ces déchets, les enjeux concernant le réemploi et recyclage des nombreux matériaux restent colossaux. |
Lien vers les Sentinelles de la nature, application sur laquelle tout.e citoyen.ne peut alerter en cas de dépôt de déchets